(temps de lecture : entre dix et quinze minutes)
Avec Nadine, tout est parti de mon envie d'acquérir un disque vinyle
Oui, mais pas n'importe lequel, celui de Meli Park.
"Quoi ? il existe un tel disque sur Meli ??"
Oui oui ! On peut même l'admirer à travers les vitrines
de la guérite transformée en musée, située dans
l'allée menant au parc animalier de Plopsaland
Je me mets donc à fouiller le net
à l'aide d'un célèbre moteur de recherche,
quand je tombe un jour sur cette page
"Bonjour, je voulais simplement vous demander
si vous revendez votre disque vinyle "Meli Sprookjesland"
car je suis très intéressé, en tant que passioné de Meli Park
aujourd'hui hélas disparu. Merci d'avance, que la réponse
soit positive ou négative. Bonne journée à vous, cordialement."
Voilà quelle était la teneur de mon premier message
Et la réponse de Nadine ne s'est pas faite attendre
"Bonjour et merci pour l'intérêt que vous portez à mon blog.
Pour moi aussi, Meli fait partie intégrante de mon enfance
et comme je n'ai pas retrouvé des masses de photos sur ce parc,
tout ce que je peux trouver m'est aujourd'hui précieux.
Donc, non malheureusement, je ne souhaite pas me débarrasser
pour l'instant de ce 33 tours. Ceci dit, si j'en retrouve un autre
exemplaire dans mes pérégrinations, c'est bien entendu avec
plaisir que je me permettrai de reprendre contact avec vous."
Il est bien sûr évident et logique de comprendre ce point de vue.
Mais suite à ce petit pincement au coeur, la discussion s'est arrêtée là
Beaucoup plus tard j'ai fini par récupérer ce disque par
l'intermédiaire d'un site d'annonces entre particuliers
C'est alors que j'ai décidé d'en aviser Nadine.
Après un nouvel échange de mails, c'est avec
plaisir que j'ai pu recueillir son émouvant témoignage
truffé d'impressions et de souvenirs des moments
passés à se balader dans les allées de Meli Park...
MELI PARK
Mes souvenirs méli-mélo
Disneyland, c'était le bout du monde dans les années 60. Alors, il y avait Meli Park, une terre de contes et de miel, calquée sur celle du géant américain. La souris avait accouché d'une abeille et le nectar des souvenirs avait le goût d'une babelutte gorgée de miel, cette friandise originaire de Furnes, sorte de bâton sucré et coloré qui s'effile quand on le suce.
Les souvenirs se bousculent, pêle-mêle. Difficile de mettre de l'ordre dans cette ruche bourdonnante d'émotions, de parfums, de couleurs, de saveurs et de sensations. Je suis bien incapable de me souvenir du nombre de fois où j'ai visité Meli Park dans les années 60 et 70 mais je sais que l'imagerie de Meli a irrémédiablement marqué ma mémoire et ma vie.
Mes parents géraient une épicerie et je passais les mois d'été à La Panne, avec ma grand-mère maternelle. Impossible d'imaginer un séjour sans le pélerinage à Adinkerke. Bobonne me réveillait à l'aube et nous entamions, le coeur vaillant et le pied alerte, la route qui nous menait à Meli Park. Nous longions le Calmeynbos, forêt mystérieuse dans laquelle vivaient lutins, ogres, sorcières et autres créatures féériques, le soir, lorsque les portes du parc se fermaient. J'emplissais mes jeunes poumons de fraîches bouffées forestières, persuadée que les esprits du bois s'infiltraient en moi. L'impatience d'atteindre le parc aiguisait mon plaisir, attisait mon envie d'émerveillement.
Les personnages peuplant les belles histoires que me racontait Bobonne au coucher, prenaient vie au parc Meli. La mécanique des robots qui hantaient le jardin magique était rudimentaire, mais le charme généré par le lieu demeure intact, intouchable comme Saint Nicolas ou Père Noël. Chez Meli, tout était en rondeur et en douceur comme l'enfance. Les crânes étaient lisses, les prunelles des personnages perpétuellement riboulantes, les ventres dodus et les joues rebondies et rouges.
Du papier pour ce glouton de Holle Bolle Gijs
Je réservais généralement mes premiers moments à Holle Bolle Gijs, ce bonhomme pansu et gourmand de papiers gras, adossé à une petite maison gonflée de déchets. Je pouvais demeurer longtemps à caresser ses joues, son bedon et à le regarder engouffrer les détritus avec un grand bruit d'aspiration. « Papieerrr, papieerr », débitait-il d'un ton monocorde et d'une voix caverneuse, en roulant les « R » comme on le fait en Flandre. « Pour vous les frites, pour moi, le papier. » Je fouillais mes poches, je suppliais ma grand-mère de me donner « quelque chose à jeter », j'arpentais les abords en quête d'ordures mais il était finalement très compliqué de dénicher des déchets aux alentours de Holle Bolle Gijs car tous les enfants voulaient rassasier l'insatiable bonhomme.
Avant de s'enfoncer plus loin, je faisais une halte devant l'âne en bronze qui trônait au beau milieu de la terrasse du restaurant. Quand on glissait une pièce de cinq francs dans son socle, l'animal se mettait à braire avant d'expulser une piécette dorée fourrée de chocolat, en levant sa queue.
Le chat botté accueillait les visiteurs d'un mécanique coup de chapeau : « Miaou ! Bonjour ! » A deux pas, un pierrot endormi dans un croissant de lune, lançait une poignée de cacahuètes chaque fois qu'on introduisait un sou dans l'appareil qui l'actionnait. Mon attention était toutefois happée par la vilaine sorcière au nez crochu qui, surgissant du feuillage dense, fendait les airs sur son balai en ricanant bruyamment. Je redoutais son passage autant que je le guettais. Lorsqu'elle disparaissait dans la végétation, je me ruais dans la grotte qui lui servait de repaire. Du moins, c'est ce que je croyais à l'époque. Au fond d'un puits, je hurlais mon prénom qui me revenait à l'infini. Ma grand-mère me disait que la sorcière connaissait dorénavant mon nom. Elle ne manquait jamais de me le rappeler quand j'étais turbulente.
Ogre, Mère l'Oie, concert de tulipes et souliers magiques
Je courais dans les allées du parc, en quête de frissons et je n'étais jamais déçue, même si je savais ce qui m'attendait au détour des sentiers. L'émerveillement était toujours renouvelé par je ne sais quel tour de passe-passe.
Un ogre barbu se frayait lentement et avec raideur un chemin à travers l'exubérante verdure du Bois des Contes, tandis qu'un géant, couché sur le gazon, ronflait. Au passage, je happais quelques mots échappés des contes de la Mère l'Oie qui battait maladroitement ses ailes mécaniques. Ensuite, je pressais le bouton actionnant des petits souliers de princesse qui dansaient sur un sol en damier. Puis, j'observais d'un oeil amusé ce petit jardinier qui avait appris à ses tulipes à chanter.
Je m'attardais dans le village d'Hamelin aux façades pittoresques autant que kitsch. Le bourgmestre apparaissait de temps à autre à la fenêtre du haut du bâtiment, promettant un sac d'or à quiconque débarrasserait sa ville des rats qui l'infestaient. Je m'engouffrais avec délice dans ce Palais où des scènes des Contes des Mille et une Nuits étaient reproduites en trois dimensions.
Je ne manquais bien entendu pas le labyrinthe végétal. Si je retrouvais la sortie un peu trop vite à mon goût, je m'enfonçais dare-dare dans le dédale de buis en faisant mine de m'y perdre à nouveau. Bobonne avait tout le temps nécessaire pour siroter son café à la terrasse du restaurant.
Je me souviens aussi d'un petit parc animalier mais un seul animal m'avait réellement impressionnée : l'autruche. J'entends encore résonner le rire cristallin de ma grand-mère. Quand on s'approchait du grillage, l'autruche vraisemblablement effrayée, se mettait à tourner comme une folle.
A la fin de la journée, on assistait au spectacle des fontaines lumineuses qui semblait résumer dans toute sa fraîcheur l'univers de Meli Park. Enfin, on passait par la boutique de souvenirs pour acheter une babelutte au miel ou un pot de ce nectar fabriqué par les petites abeilles de Meli. Fin des années 70, l'apirama ouvrait ses portes mais j'avais grandi. Et Meli Park ne serait plus jamais comme avant.
Nadine
Un grand merci à Nadine pour son récit !
Retrouvez son site ici >>> petalederose.skynetblogs.be
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